dimanche 19 septembre 2010

Rivarol: La prison ferme l’exception en matière correctionnelle

Un des derniers journaux français lisibles encore en parution nous régale d'un billet au vitriol de Pierre Derplay sur l'amendement Warsmann qui, je cite, "dans la loi pénitentiaire votée en 2009, fait de la prison ferme l’exception en matière correctionnelle".

http://www.rivarol.com

Des milliers de condamnés en vadrouille

Dans une note récente transmise à l’Elysée figure un chiffre qui laisse pantois: dans notre si exemplaire République, 19 000 personnes présentent plus de 50 délits à leur palmarès! A Paris intra-muros, un premier décompte en avait détecté 11 400 ; après élimination des identités multiples empruntées par de nombreux voyous, le chiffre a été ramené à 1 000. Inclus dans les 19 000. Certains de ces voyous, qui, rappelons-le, ont plus de 50 délits à leur passif, sont passés par la case prison, d’autres pas, ou se sont vus infliger des peines alternatives à la prison ferme, que d’ailleurs, ils ont ou non exécutées… Combien décompterait-on de multirécidivistes si la barre avait été placée à 20, à 30, au lieu de 50? Le chiffre ne laisserait plus pantois, il donnerait froid dans le dos.


L’exemple le plus emblématique est le cas récent de ces deux voyous majeurs des Tarterêts. L’un d’eux avait ceinturé un agent, retiré son casque pour permettre à un complice de le frapper avec un marteau… Une peccadille, donc. Le 18 août dernier, condamnés à trois et sept mois de prison ferme par le tribunal d’Evry, ils sont ressortis libres de l’audience. Certains témoins affirment qu’en sortant ils ont crié: “Merci la France!” Il est évident que les peines alternatives à la prison auxquelles ils seront peut-être astreints constituent plus un titre de gloire qu’une sanction, et surtout une invitation à faire plus et mieux à la prochaine rencontre avec la police. Plutôt qu’à une France bonne fille, pour ne pas dire fille facile, c’est à l’amendement Warsmann, qui, dans la loi pénitentiaire votée en 2009, fait de la prison ferme l’exception en matière correctionnelle, que ces deux voyous, et des milliers d’autres, doivent leur libertés, et les encouragements à faire plus et mieux encore. C’est donc à une loi récente de la majorité présidentielle — merci l’UMP, merci MM. et Mmes les ministres, merci M. le Président — que les victimes des délinquants multirécidivistes, policiers et gendarmes compris, doivent les agressions, vols, etc. qu’ils subissent.


La conséquence inévitable de la remise en liberté des délinquants à l’audience et leur convocation ultérieure pour définir les peines de substitution auxquelles ils seront éventuellement condamnés, et que le législateur et les parlementaires n’ont pas imaginée, est que nombreux sont ceux qui oublient cette formalité potentiellement risquée puisqu’elle pourrait déboucher sur leur incarcération, puis — comment les en blâmer — disparaissent de la circulation. Lors de l’université du PS à La Rochelle, Ségolène Royal a avancé le chiffre de “55 000 peines non exécutées” ; le commandant de police Mohamed Douhane, président du syndicat des officiers de police Synergie, a annoncé le 2 septembre dernier sur RMC un chiffre supérieur à 80 000…


Saisie par les magistrats des TGI ou des cours d’appel, il ne reste plus alors à la police ou à la gendarmerie qui à les rechercher, les localiser, les appréhender afin de les conduire derrière les barreaux ou devant leur juge d’application des peines. Devant autant d’effectifs mobilisés, d’énergie et de moyens dépensés en pure perte pour courir après des voyous qui avaient été arrêtés, déférés, jugés et condamnés, et en définitive pour répéter le cirque judiciaire parfaitement inefficace, au lieu de, préventivement, puis de façon répressive si nécessaire, utiliser énergie, effectifs et moyens pour mettre en échec la délinquance, on ne peut pas s’empêcher de penser que le laxisme législatif d’abord, puis judiciaire, est volontaire. Jouer aux gendarmes et aux voleurs, et faire et défaire, c’est toujours travailler: un jeu d’enfants et une formule populaire qui prennent ici tout leur sens. Qui fera cesser ce cirque indécent?


Et si en définitive tout le monde y trouvait son compte? Les politiques qui peuvent toujours affirmer qu’ils luttent avec fermeté contre l’insécurité, le personnel des tribunaux dont le travail est garanti pour de nombreuses années, les membres du barreau dont certains se contentent de cette clientèle parce que leur talent se limite à celle-ci, et peut-être même la haute hiérarchie de la Police qui semble ne pas entendre le ras-le-bol de la base qui l’exprime publiquement de façon anonyme sur diverses antennes. Des policiers de terrain qui se disent prêts à exploser, et à refuser le cas échéant d’intervenir.


Il n’en demeure pas moins que ces dizaines de milliers de multirécidivistes, dont beaucoup, soulignons-le, ont pu échapper à une sanction, même symbolique, constituent une masse de manœuvre prête à se mobiliser à l’occasion de manifestations sociales qui dégénéreraient, se généraliseraient et dureraient, ou de la reprise d’activités terroristes. Les Français accepteront-ils encore longtemps d’être abandonnés et livrés aux voyous? Sauront-ils et surtout voudront-ils que ça change, ou bien continueront-ils à subir la loi des caïds et des petites frappes en baissant les yeux? Quand se décideront-ils enfin à voter pour le parti et ses candidats qui ont la volonté de remettre de l’ordre dans la pétaudière?





Pierre DERPLAY.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Les commentaires sont soumis au filtrage anti-publicitaire de l'hébergeur